Mise en forme et rempotage (2) – pin rouge

Cet article vous présente un travail complet réalisé sur un pin rouge à Taisho-en, au mois d’avril 2017. En modifiant complètement le direction initiale de l’arbre, Nobuichi Urushibata nous montre ici son sens affuté de l’esthétique.

P1110012

La face initiale.

 

P1110009

Face arrière.

 

P1110011

Vu de haut, le tronc révèle un très beau shari.

 

P1110017

La forme en cascade est envisagée.

 

P1110020

Oyakatta demande à Matt de redresser l’arbre. Cet angle va mettre en valeur les étonnants méandres du tronc, et donner au bonsai beaucoup de dynamisme.

 

P1110025

Le pot est stabilisé dans cette position.

 

P1110034

 

P1110036

Après avoir coupé quelques branches inutiles, la structure de l’arbre est bien lisible. Oyakatta nous demande du papier et un crayon…

 

P1110041

P1110176

Un croquis simple et rapide, mais qui permet de se faire une idée du futur bonsai.

 

P1110043

Matt sera en charge de poser le fil sur l’arbre. Il a commencé par protéger avec du raphia certaines zones qui vont être pliées.

 

P1110060

 

P1110076

La mise forme est quasiment terminée. Il reste à éclaircir encore un peu les aiguilles.

 

P1120595

Les racines blanches et les mycorhizes visibles ici, sont synonymes d’une excellente santé pour la plante.

 

Comme souvent chez les professionnels japonais, le rempotage se fait dans la foulée de la mise  en forme. En Europe, on déconseille aux amateurs de faire plus d’une opération importante par an sur leurs arbres. Dans le cas présent, on ferait le rempotage l’année suivante.

 

P1120604

Etape importante: le choix du pot. Celui-ci est un peu profond.

 

Un point important à noter: on n’a pas démêlé entièrement la motte. Seules les parties gênantes pour la mise en place dans le nouveau pot sont taillées.

 

P1120607

Discussion animée autour du choix de ce pot.

 

P1120612

Finalement, on revient sur un pot tambour, mais plus petit que le premier envisagé.

 

P1120661

Fin du rempotage. On a déposé de la sphaigne en surface pour éviter le dessèchement trop rapide des racines qui sont au-dessus du rebord du pot.

 

Finalement, le pot semble encore un peu grand, mais vu le travail réalisé, il serait dangereux pour la vie de l’arbre de tailler plus de racines, pour essayer de le placer dans un pot plus petit. Le pot « idéal » attendra le prochain rempotage.

La structure de base du bonsai est posée. Il faudra encore un peu de temps pour que la plante étoffe ses masses foliaires et gagne ainsi en maturité.

Mise en forme et rempotage (1) – Big juniper

Nous sommes début avril (2017), je viens tout juste d’arriver à la pépinière, et je découvre le travail en cours de Matt (étudiant australien), sur un énorme juniperus. Un bonsai impressionnant.

P1090636 (2)

 

P1090687

P1090683

P1090679

L’équilibre de l’arbre est longuement analysé par Oyakatta, qui nous offre là une belle leçon. Matt n’en perd pas une miette.

Plusieurs jours de travail ont été nécessaires pour nettoyer le bois mort, la veine vivante, et faire une mise en forme d’entretien: pas de changements drastiques, mais une redéfinition des plateaux qui permet d’éclaircir les masses foliaires et de conserver la forme de l’arbre.

P1090940

L’arbre est presque terminé. Matt reste concentré.

 

Quelques jours plus tard j’assiste au rempotage de l’arbre. Abel (étudiant espagnol) participe au travail.

P1100670

P1100680

P1100693

P1100695

Le très beau pot qui contenait l’arbre, était un Yamaaki (Tokoname).

 

P1100697

Pour le rempotage, Oyakatta décide de choisir une forme de pot très différente du précédent.

 

P1100698

La motte est fortement réduite, mais on ne démèle pas entièrement les racines. Si on voulait le faire, on prendrait des risques pour la vie de l’arbre, tant la motte est compacte.

 

P1100700

Comme souvent, on intègre une petite quantité de charbon de bambou dans le fond du pot.

 

P1100702

Oyakatta supervise avec une grande exigence l’implantation de l’arbre dans son pot. L’inclinaison et l’orientation doivent être parfaits.

 

P1100703

P1100704

Oyakatta plante un morceau de bambou dans la motte, afin de faciliter la fixation de l’arbre dans son pot. Des fils épais d’aluminium sont employés pour cela.

 

P1100707

Le rempotage est terminé.

 

P1040672

L’arbre tel qu’il était à l’été 2016. En comparant avec la photo précédente, on peut observer tout le travail réalisé. Nettoyage de la veine vivante, du bois mort, et bien sûr éclaircissement du feuillage, et changement de pot.

 

P1100708

A la fin du travail, on arrose abondamment.

Une matinée chez des clients.

Un dimanche matin de juillet, Oyakatta nous emmène faire une petite visite chez quelques uns de ses clients et amis. Carlos et Thom, qui étudient avec moi à la pépinière,  sont aussi du voyage. Nous n’allons pas regretter de nous être levé de bonne heure!

Oyakatta comme à son habitude, nous a donné très peu d’explications sur l’objet de notre déplacement. Visite de courtoisie?,  achat d’arbres?, emprunt de bonsai à travailler?, ou  simple envie de nous faire découvrir de belles choses? Nous allons comprendre au fur et à mesure de la matinée, qu’il s’agit d’un peu de tout ça à la fois.

 

P1020005

 

Première visite, au fond de la campagne, à la rencontre d’un couple de modestes maraichers, qui nous accueillent avec une tasse de thé vert.

 

P1020085

A l’arrière de la maison, beaucoup d’arbres dans un espace réduit.

 

P1020015

Difficile de progresser dans cette « jungle ».

 

P1020055

Espace réduit, mais vue magnifique !

 

P1020046

Pin blanc.

 

P1020011

Epicéa jezoensis.

 

 

P1020064

Genévrier chinensis.

 

 

P1020017

Comme Carlos, nous ne savons pas où donner de la tête.  Remarquez les pots de grandes tailles qui servent à surélever les arbres. Une astuce pour gagner de la place.

 

 

P1020068

Pin rouge.

 

Après une longue discussion, nous repartons avec plusieurs arbres. Je pense dans un premier temps qu’Oyakatta les a achetés, mais en fait, je comprends un peu plus tard qu’il ne s’agit que d’un prêt. Nous devrons affiner la mise en forme de ces bonsai. Le propriétaire repassera quelques temps après à la pépinière, pour récupérer ses protégés.

 

P1020098

Voici les arbres sélectionnés. Le pin blanc de droite, vient de Taisho-en. Il est destiné à retourner chez un client que nous allons visiter ensuite.

 

 

Deuxième arrêt, cette fois-ci chez un riche client, à qui on rapporte un arbre que Thom a entièrement mis en forme et rempoté. L’homme semble avoir passé un contrat d’entretien  avec Oyakatta, pour que celui-ci s’occupe des tâches importantes à réaliser sur ses bonsai.

 

P1020104

Thom pose fièrement avec le pin blanc qu’il a travaillé.

 

P1020115

 

P1020113

Notre client a une autre passion: les rapaces.

 

Troisième pause, Oyakatta nous entraine chez un ami, pour une visite de courtoisie. Sans savoir ce qui nous attend, nous traversons un hangar et gravissons un escalier étroit, pour déboucher sur une petite terrasse qui recèle de précieux trésors!

 

P1020194

 

P1020168

Genévrier chinensis.

 

P1020166

Pin blanc.

 

P1020199

Composition de genévriers sur roche.

 

P1020209

Pin rouge.

 

P1020139

Dommage que le jin du haut soit emballé, mais c’est pour éviter de le casser en circulant dans les allées étroites…

 

P1020184

P1020201

Certains de ces arbres ont une patine exceptionnelle.

 

P1020131

Encore un beau genévrier sur roche.

 

P1020146

 

P1020149

 Thom et votre serviteur. Contents d’être là !

 

Arrêt suivant, chez un vieil homme qui semble avoir un peu de mal à entretenir ses arbres. L’endroit est cependant charmant.

 

P1020222

 

P1020244

Ce pin blanc est en bonne forme, mais malheureusement, le feuillu à droite en arrière plan, est mort depuis longtemps.

 

P1020228

Un genévrier qui semble peiner. Victime d’acariens ?

 

 

A présent, nous faisons une courte pause chez un professionnel qui cultive une quantité impressionnante de petits arbres d’une seule variété. Oyakatta fait la moue, car il ne trouve pas ce qu’il cherche. Apparemment, son objectif est de rapporter des arbres de bonne taille, plutôt des conifères, pour nous faire travailler.  Il a l’intention de nous occuper un moment !

 

P1020263

Ici, le propriétaire semble apprécier les tracheslospermum ! (jasmin du Japon ou chirimen-kazura en japonais).

En repartant, la maitresse de maison nous offre quelques canettes de boissons fraiches à emporter. Délicate attention.

 

Pour notre dernière halte, nous rendons visite à un amateur qui possède peu d’arbres, mais d’un très bon niveau.

 

P1020271

 

P1020274

Prunus mume.

 

P1020280

Genévrier itoigawa.

 

P1020276

If (cuspidata).

P1020285

Un autre cuspidata.

 

P1020300

Erable palmé.

 

P1020306

Prunus mume.

 

P1020310

Détail du même arbre.

 

P1020312

Stewartia greffé.

 

P1020316

Oyakatta toujours jovial.

 

P1020324

Erable palmé.

 

Sur le chemin du retour, nous passons devant une drôle d’apparition. Cette maison n’évoque-t-elle pas  le sud de la France ?  Notre pays est apprécié ici, semble-t-il.

 

P1020333

Les premiers caractères du panneau à droite, traduisent assez fidèlement le mot « restaurant », la suite, peut être un autre mot français un peu déformé.

Galerie (3) – Feuillus

Voici une sélection de feuillus observés à la pépinière. Malgré un renouvellement important des arbres, par le jeu des ventes et des achats, j’ai pu en retrouver un certain nombre entre mes 2 séjours sur place.

 

P1040470

Beaucoup de feuillus sont regroupés dans cet espace. Les ombrières sont déployées, nous sommes en été.

 

P1090857

Le même endroit, au printemps suivant. Les ombrières sont repliées.

 

P1010363

Erable palmé (momiji en japonais), env. 80 cm.

 

P1040575

Prunus mume (ume en japonais), env. 70 cm.

 

P1010762

Erable palmé, en été. env. 80 cm.

 

P1130840

Le même arbre, au mois d’avril suivant.

 

P1100109

Erable palmé sur roche. env. 45 cm.

 

P1100125

Eleagnus (gumi en japonais). Au printemps, l’arbre commence à émettre de nouvelles feuilles, car il a été défolié plusieurs mois auparavant.

 

P1010730

Un énorme érable de burger (kaede), en été . env. 1m.

 

P1120693

Sur cette photo, on peut apprécier la structure de l’arbre.

 

P1030026

Pommier (malus sieboldii ou toringo, zumi en japonais).

 

P1110477

Eleagnus (l’arbre émet de nouvelles feuilles au printemps, car il a été défolié).

 

P1100883

Erable de burger.

 

P1010361

Hêtre crénelé (fagus crenata, buna en japonais) en été. env. 70 cm.

 

P1100319

Le même arbre au printemps suivant.

 

P1120901

Toujours le même hêtre, que nous avons débarrassé de ses vieilles feuilles (coupées aux ciseaux).

 

P1130899

Erable de burger. env. 80 cm.

 

P1010761

Erable palmé en été. env. 50 cm.

 

P1130845

Le même arbre au printemps suivant.

 

P1010360

Erable de burger.

 

P1100318

Le même arbre au printemps suivant.

 

P1030058

Erable de burger.

 

P1030085

Erable palmé.

 

P1130052

Erable palmé.

 

P1030916

Pommier (malus sieboldii ou toringo).

 

Un petit bijou pour terminer la série :

P1120997

Erable palmé. env. 35 cm.

Mise en forme d’un pin blanc – Taiga Urushibata

Voici l’évolution d’un énorme « goyomatsu » (pin blanc), mis en forme par Taiga Urushibata, assisté de son apprenti Yusei Sasaki.

L’arbre mesure 90 à 100 cm de haut, et est planté sur une énorme lauze d’environ 80 cm de long.  Ce travail impressionnant a été réalisé en 3 jours.

 

P1100373

P1110153

P1110158

Certains fils de cuivre de forts diamètres (5-6 mm) sont utilisés non recuits. Ils sont ainsi plus rigides et capables de maintenir des branches très épaisses, mais cette rigidité les rend très difficiles à manipuler, et Taiga doit utiliser beaucoup de force. Souvent, l’extrémité du fil est maintenue avec une pince, pour le diriger avec plus de facilité.

Avec ce fil très dur, le risque semble grand de casser des branches. Pourtant, aucun dommage ne sera causé à l’arbre. Le maitre fait preuve d’une grande maitrise technique.

 

P1110618

P1120260

P1120261

Yusei Sasaki, l’apprenti de Taiga.

 

P1120680

L’arbre terminé, exposé en devanture de la pépinière.

 

P1120679

Côté gauche.

 

P1120677

 

L’arbre est ligaturé « seulement » à 80%. Il est très difficile d’obtenir une finition si parfaite, alors que l’arbre n’est pas totalement ligaturé. Cela suppose une technique sans faille. Taiga et son apprenti possèdent ce haut degré de maitrise.

 

P1120410

Côté droit.

P1120409

Face arrière.

P1130992

P1090788

Galerie (2) – pins blancs

Quelques pins blancs vus à la pépinière.

P1130079

Hauteur env. 90 cm

 

P1130645

Hauteur env. 30 cm

 

P1120266

Hauteur env. 25 cm

 

P1100906

Hauteur env. 80 cm

 

P1120722

Hauteur env. 30 cm

 

P1120698

Hauteur env. 90 cm

 

P1120721

Hauteur env. 50 cm

 

P1120712

Hauteur env. 70 cm

 

P1120067

Hauteur env. 60 cm

 

P1130064

Hauteur env. 90 cm

 

P1000754

 

P1010663

Hauteur env. 50 cm

 

P1120727

Le même arbre, vu de côté.

 

P1010925

Hauteur env. 30 cm

 

P1020408

Hauteur env. 80 cm

 

P1020769

Hauteur env. 70 cm

 

P1030372

Hauteur env. 60 cm

 

P1010718

Hauteur env. 70 cm

 

P1100869

Hauteur env. 50 cm

 

P1030723

Hauteur env. 60 cm

 

P1000590

Hauteur env. 50 cm

 

P1000632

Hauteur env. 80 cm

La taille des aiguilles des pins noirs et rouges

   Les techniques exposées dans cet article sont celles utilisées au Japon, dans des conditions climatiques très spécifiques. Les étés sont chauds et humides. Ainsi, les plantes connaissent un développement bien plus important que sous nos latitudes. En observant leur croissance, j’ai estimé que cela équivalait à 2 ou 3 saisons de pousse en Europe. Cela signifie schématiquement qu’on va pouvoir tailler un feuillu jusqu’à deux ou trois fois au Japon, alors que le même arbre ne serait taillé qu’une fois sur la même période en Europe.

    Pour un pin, on ne va pas tailler plusieurs fois dans la saison, mais on aura des réactions très fortes suite aux travaux effectués, et donc nécessité de sélectionner les nouveaux bourgeons émis, et d’éclaircir d’avantage les aiguilles.

   Pour être utilisées en Europe, ces techniques doivent être adaptées à nos climats, et certaines opérations sont à employer avec précaution (je pense à la taille des bourgeons des pins blancs, j’y reviendrai).

   Les travaux effectués sur les pins en été sont principalement: la taille des pousses de l’année, et la sélection des aiguilles. A cela s’ajoute parfois la mise en forme de l’arbre, avec sélection des grosses branches, et ligaturage.

   Pour commencer, je vais détailler les techniques utilisées sur les pins noirs et les pins rouges.

   On laisse ces bonsais développer leurs bourgeons largement après le printemps, avant de les couper. Au moment où j’arrive à la pépinière, le 10 juillet (2016), les plus gros arbres (30cm de hauteur et plus) ont déjà été taillés. Certaines de ces plantes ont déjà émis de nouveaux bourgeons, ce qui laisse supposer que leur taille remonte à plusieurs semaines.

p1010702

Un pin noir (environ 40cm) qui a déjà émis de nouveaux bourgeons. Photo prise vers le 20/07. Idem pour les deux suivantes.

p1010719

Un pin rouge (environ 60 cm), qui a lui aussi bien réagi à la taille.

p1010932

Sur ce pin, on constate qu’en plus de la taille des pousses, beaucoup d’aiguilles ont été retirées.

 

    On attend juillet pour tailler les arbres les plus petits, ainsi ils auront moins de temps que les gros pour développer leurs aiguilles avant la période de repos. Celles ci auront donc des dimensions plus en rapport avec les proportions de l’arbre.

p1030236

29 juillet 2016:  quasiment tous les pins noirs de petite taille (shohin) on été taillés. Au milieu et au fond de la photo, on distingue quelques arbres qui restent à faire. Cette année, tous les arbres seront taillés.

   Concrètement, on va tailler les pousses à ras pour faire naître de nouveaux bourgeons, et permettre une ramification plus importante. On va aussi procéder à la sélection des aiguilles en les retirant avec une grosse pince à épiler. Cela va apporter plus de lumière à l’intérieur de l’arbre et favoriser le développement des rameaux internes, plus faibles, car recevant moins de lumière. Cela permettra aussi de stimuler l’apparition des nouveaux bourgeons à l’intérieur de la ramure, en plus de ceux qui vont apparaître automatiquement aux extrémités taillées.

   Sur tous les pins noirs et rouges, on taille la totalité des pousses de l’année. Sauf si l’arbre est trop faible, ou si on souhaite qu’une partie de la plante se développe davantage.

p1020774

Ici, on veut faire grossir la cime de l’arbre, ou lui redonner de la vigueur, donc pas de taille pour elle, contrairement au reste de l’arbre.

 

   Pour la sélection des aiguilles, c’est au cas par cas. Sur des arbres très vigoureux, on va retirer toutes les aiguilles des années passées, et ne laisser que 3 ou 4 paires d’aiguilles de l’année par rameaux. Sur des bonsais faibles, ou anciens, dont la pousse est lente, on va se contenter de retirer seulement quelques vieilles aiguilles.

   Entre ces deux cas extrêmes, il y a un tas de possibilités en fonction de ce que nous « dit » l’arbre. Sa santé, le niveau esthétique atteint, sont les critères qui vont guider notre choix de désaiguiller plus ou moins, …. ou pas du tout: en règle générale, tous les 4 ou 5 ans, les bonsais sont laissés au repos.

P1270263

Fin août 2019, cet arbre n’a pas été taillé: cette année, l’arbre est laissé au repos, car les tailles répétées l’ont un peu affaibli.

 

Sur des arbres précieux, Oyakatta nous demandait de commencer par une sélection légère des aiguilles, puis il prenait la main pour décider lui-même jusqu’où aller dans l’opération, ou bien il nous laissait faire, mais revenait à intervalles réguliers pour nous dire jusqu’où aller.

   On peut aussi contrôler la vigueur d’une branche en réduisant la longueur des aiguilles par la taille. Cela peut aussi avoir un but esthétique, si l’on veut donner à toutes les aiguilles la même dimension. Avec le petit inconvénient de laisser une trace brune à l’endroit de la coupe.

p1000340

Les outils: ciseaux et pince à épiler.

p1000188

Un pin noir avant…

p1000188-1

…et après.

p1000090

La taille est effectuée au ras de la pousse. Il ne reste qu’un millimètre ou deux. Pour retirer les aiguilles, on tire sur leur base à la pince à épiler. Il ne va rester que leur gaine. Sur cet arbre, certaines aiguilles avaient déjà été raccourcies avant notre travail (probablement l’an passé). On voit les traces laissées par cette taille à leur extrémité.

 

p1000189

Un autre exemple. Avant…

p1000193

…après.

p1020402

Sur ce bonsai, on a taillé toutes les pousses de l’année, et retiré beaucoup d’aiguilles.

   Quelques semaines après avoir taillé les pousses de l’année, de nouveaux bourgeons apparaissent, principalement au niveau de la coupe. On ne laisse que deux ou trois bourgeons par rameau en gardant les mieux placés. L’opération se fait à la grosse pince à épiler. En faisant cette sélection, il faut penser à la future mise en forme de la branche: le dessous des plateaux doit être bien plat, donc il faut retirer en priorité les bourgeons situés sous la branche.

   Quand les bourgeons repoussent, ils sont souvent nombreux et vigoureux. Cela s’explique par le climat et la fertilisation soutenue : Engrais organique (NPK: 4-2-1) sous forme de boulettes, renouvelé pendant toute la saison de croissance, même pendant l’été. Pendant cette période, on arrose en général deux fois par jour, donc il n’y a pas de risques de voir les racines brûler à cause d’un excès d’engrais. En plus, le dosage de l’engrais n’est pas trop élevé.

p1000892

Sur ce pin rouge, il ne faudra conserver que deux ou trois bourgeons par rameau.

P1000893 - Copie

Voici le résultat, bien visible sur la partie gauche du rameau.

 

p1000848

Oyakatta commence la sélection.

p1000902

Je poursuis le travail sur ce pin impressionnant.

 

Voilà ce que j’ai pu saisir du travail réalisé en été sur les pins noirs et rouges. On peut appliquer ces techniques en Europe sur les mêmes espèces, et sur d’autres, en les adaptant à nos conditions de climat, de culture, et à la vitalité de nos arbres. Par exemple, les pins sylvestres réagissent généralement bien à ce type de travail, s’ils sont vigoureux. Par précaution, ici en France, je ne taille jamais les pousses de l’année après la fin du mois de juin, pour laisser le temps aux nouvelles aiguilles de se développer.

Je consacrerai un prochain article sur les pins blancs, réputés être des pins plus faibles.

Les « mame »

Les bonsai sont classés en fonction de leur dimension. La catégorie la plus petite s’appelle « mame ». Ce sont les arbres de moins de 7 cm de haut. Leur culture ne tolère aucune erreur. A Taisho-en, c’est Asanuma qui en est responsable. Cet homme très discret et jovial a un rôle central dans la pépinière. Il reçoit les appels des clients, gère le site internet, s’occupe des colis postaux, et se voit confier une des tâches les plus délicates: l’entretien des mame.

p1010199

Asanuma effectuant la taille d’un pin. Remarquez le support à mame, pratique pour travailler l’intérieur de la ramure de ces petits bonsai.

 

p1010223

L’espace de travail d’Asanuma. Malgré ses nombreuses occupations, il est toujours disponible pour répondre à nos questions.

 

p1030266

L’atelier donne directement sur l’espace shohin (jusqu’à 22-23 cm), et mame (7cm).

 

p1030263

Les mame sont disposés à l’arrière plan.

 

p1030946

Ceux qui viennent d’être rempotés sont placés à l’ombre.

 

Au japon, pouvoir classer les bonsai par taille est important. Un arbre qui sort de sa catégorie perd de sa valeur. Ainsi, on essaie toujours de les maintenir dans des dimensions « acceptables ». Pour exemple, le genévrier ci-dessous qui sera travaillé dans ce sens au prochain rempotage.

p1020911

L arbre est un peu « grand » pour rester dans la catégorie des moins de 7 cm.

 

p1020912

Au rempotage, on doit pouvoir gagner 1 à 2 cm en faisant entrer l’arbre un peu plus dans le pot.

 

p1020913

 

p1020402

Un pin noir dont la pousse de l’année a été taillée, et une partie des aiguilles retirée (environ 50 à 60 %) pour favoriser le bourgeonnement arrière.

 

p1030934

 

p1030938

Ce tosho (junip.rigida) est à vendre environ 230€.

 

p1030947

Sur ce genévrier chinensis, on voit bien les 2 types de feuillage qu’il peut produire. En haut, le feuillage en écailles, et en bas le feuillage juvénile, émis en réaction à un stress (probablement causé par la ligature). Si on laisse l’arbre se reposer et qu’on le cultive bien , il retrouvera le feuillage en écaille tant apprécié.

 

p1030949

 

 

p1030924

p1030923

Cette photo de côté avec le briquet, nous donne une idée de l’échelle.

 

En se promenant dans la pépinière, on découvre une autre zone dédiée aux mame, et elle se trouve sur un toit!

Depuis cet été (2016), un système d’ombrage a été installé. Jusqu’à présent les arbres supportaient bien le plein soleil, mais les températures ont une fâcheuse tendance à augmenter (comme un peu partout sur la planète), et il devient compliqué de maintenir les arbres dans ces conditions.

Il faut noter que si les arrosages ont lieu en général 2 fois par jour pour les autres arbres, les mame cultivés ici sont arrosés parfois jusqu’à 4 fois par jour.

p1040648

p1040650

p1040649

p1040651

On cultive les mame dans un pot plus grand, pour éviter que la terre du pot principal ne sèche trop vite.

 

p1040652

Difficile de faire plus petit !

 

Pour finir, une petite merveille de mise en forme réalisée par Asanuma:

p1030553

La pédagogie de Nobuichi Urushibata

   Dans cet article, je vais aborder un peu plus en détail la manière dont le bonsai est enseigné à Taisho-en. Je vais parler des méthodes de Nobuichi Urushibata. Le maitre s’occupe uniquement des étudiants étrangers qui viennent apprendre ici pour de courts séjours.

   En ce qui concerne Taiga, sa pédagogie est proche de celle de son père, mais il semble plus rude et encore plus exigeant. On comprend cela quand on sait que le jeune artiste a suivi pendant 6 ans l’enseignement de Mashiko Kimura, un des plus grands maitres, réputé pour son enseignement très sévère. Taiga a en charge la formation des « daishi », les apprentis qui passeront minimum 4 ans à la pépinière avant de devenir professionnels.

   A Taisho-en, le programme n’est jamais donné à l’avance. Il faut rester attentif en permanence aux activités de la pépinière, et être prêt à tout moment à suspendre une tâche pour aller aider quelqu’un qui en aurait besoin. Et c’est souvent d’un simple signe de la main qu’on vous sollicite. Cela peut être pour aller déplacer un arbre, décharger un véhicule, ou apporter son aide à un travail spécifique qui a besoin d’une paire de main supplémentaire.

p1000755

   Quand Oyakatta travaille, nous devons suivre avec attention ses gestes pour pouvoir anticiper ses demandes. En effet, pour réclamer un outil, il se contentera…de tendre la main dans le vide! A vous de deviner de quoi il a besoin. Pour que l’action reste fluide, mieux vaut avoir bien suivi les opérations.

   Du coup, au bout de quelques temps, on développe la même attention au travail des autres étudiants, et il n’est pas rare qu’un outil traverse la pièce en passant de main en main, alors que la demande a à peine été énoncée. De ce fait, le travail avance vite, dans un climat de concentration et d’entraide très appréciable.

p1020961

Carlos sélectionne les aiguilles d’un grand pin blanc.

   Comme je l’ai dit dans l’article « l’apprentissage du bonsai à Taisho-en », ici, pas de cours théoriques. Chaque nouvelle tâche commence par une phase d’observation : par exemple, avant ma première séance de ligaturage, j’ai été invité à aller observer les arbres de la pépinière déjà mis en forme. Ensuite, Oyakatta a ligaturé sous mes yeux une branche d’un bonsai, et j’ai poursuivi ensuite tout seul. Régulièrement, le maitre revenait pour juger mon travail, me demandant de défaire et de recommencer une ligature mal faite, et souvent, il ligaturait de nouveau lui même pour me montrer la marche à suivre.

On pourrait résumer les différentes actions ainsi:

Observer – faire soi même – être corrigé – refaire.

   Ce processus va être sans cesse répété, jusqu’à ce que vous soyez de plus en plus autonome. Au bout d’un temps, et en fonction de l’importance des arbres, Oyakatta vous laissera travailler seul, et viendra seulement contrôler votre travail un fois celui-ci terminé. A ce moment là, si vous avez bien travaillé, vous serez gratifié d’un léger sourire, et d’un grand « Next »…. Pas le temps de s’endormir sur ses lauriers, on enchaine avec un autre arbre!

p1000367

Je pince les jeunes pousses de ce beau genévrier rigida, dont la veine vivante serpente avec élégance autour du bois mort.

   Nobuichi Urushibata a développé une très grande sensibilité en direction des plantes. D’un seul coup d’oeil, il sait estimer la quantité d’eau nécessaire lors de l’arrosage, juger de la santé d’un arbre, évaluer si un travail peut être réalisé, et surtout jusqu’où aller  pour ne pas le mettre en danger. Il a aussi cette capacité à ne jamais s’enfermer dans une idée, et à pouvoir modifier totalement un projet, si jamais il se rend compte au cours du travail, que l’option prise n’est pas la meilleure (pour des raisons esthétiques, ou pour préserver la santé du bonsai). Ainsi, l’artiste sait faire preuve d’une grande humilité face à sa création. Sa volonté ne s’impose jamais inutilement à la plante.

   Dans la journée, très peu de choses semblent être planifiées à l’avance par le maitre. C’est son instinct qui le guide en permanence. Mais cette faculté à organiser son travail, et cette connexion avec le vivant, sont le fruit de longues années d’observation, d’essais, de remise en question, et de perfectionnement de ses techniques. Le vieil  homme me fait penser à ces maitres d’arts martiaux, ou ces virtuoses dans le domaine musical,  qui ont tellement travaillé et intégré la technique de leur art, que chacun de leur geste est chargé d’énergie, et semble être réalisé avec une facilité déconcertante. Ils font corps avec leur discipline, et génèrent beaucoup d’harmonie et de beauté. Il en est de même pour Nobuichi Urushibata.

   Ce sens de l’observation et cette sensibilité, s’appliquent aussi envers les humains. Le maitre vous donne toujours un travail à réaliser en fonction de votre niveau, ou de celui à atteindre. Du coup, il est fréquent, pour un même arbre, que l’un des étudiants commence un travail, puis qu’un deuxième s’occupe de l’étape suivante. Par exemple, au début de mon premier séjour, sur les genévriers, ma tâche consistait  à  éclaircir les rameaux par la taille, pour préparer le ligaturage. Petit à petit, on m’a donné à faire également quelques ligatures de branches. A la fin du mois, il m’arrivait de n’avoir que la finition des mises en forme à réaliser (poser les fils les plus petits), alors qu’un étudiant fraichement arrivé réalisait les travaux que je faisait plutôt au début. On me confiait également plus d’ arbres à mettre en forme de A à Z.

p1000956

Un genevrier à travailler..

p1010181

…à quatre mains.

p1010182

Le résultat de notre mise en forme.

p1030813

Voici le type d’arbre qui peut servir à s’entrainer à la ligature (un pin blanc).

p1030850

Le résultat de la mise en forme.

p1010628

En général, on les travaille par paquet de dix !

p1020845

Un de plus…

   Entre ces phases d’exercices spécifiques, donnés pour vous faire progresser, le maitre vous apporte souvent un arbre différent, qui correspond étrangement au type de bonsai que vous aimez. Dans d’autres cas, il vous demande d’aller choisir vous même l’arbre à travailler. Comme une sorte de récréation  accordée après de longues heures d’un travail répétitif.

p1030197

Je n’ai eu que quelques ajustements à réaliser sur ce très beau genévrier, mais ce travail a constitué un de ces moments de « récréation » que nous offrait le maitre.

   Pour finir, voici quelques maximes importantes prononcées par Oyakatta:

« Case by case » (au cas par cas ), utilisée pour répondre à la question du type « Pourquoi fait-on cette action sur ce pin, et pas sur celui là ?   Et le maître de poursuivre : « les bonsai, c’est comme les humains, ils ont beau être de la même espèce, ils sont tous différents ».

   Donc, une seule solution : appliquer le conseil souvent répété lors des arrosages, mais valable pour tout type d’action: « learn the tree » ( apprenez l’arbre ).

   Observer sans cesse pour comprendre la nature spécifique de chaque arbre, et pouvoir adapter nos actions en réponse à ses besoins.

p1010764

L’apprentissage du bonsai à Taisho-en

   Les méthodes d’enseignement pratiquées au Japon sont assez différentes de celles utilisées en occident. Ici, l’observation et la pratique sont les maîtres mots. Et contrairement à ce qui semble se faire ailleurs, où la période d’observation peut parfois être très longue avant qu’on vous attribue une tâche intéressante, à Taisho-en, la pratique arrive bien plus vite qu’on ne l’imagine.

   En effet, dès mon arrivée à la pépinière, après les salutations et une courte pause, c’est tout de suite le grand bain!  Au fond d’une allée, on entend un grand «watering !!!» (arrosage !!). Quelques brèves explications, et me voilà avec un tuyau d’arrosage entre les mains. Heureusement, je ne suis pas livré à moi-même. Un oeil averti va superviser mon travail.

p1020981

Yusei, apprenti à Taisho-en.

Ici, pas de cours théoriques. On apprend en observant, et en pratiquant les gestes qui sont répétés depuis des décennies au Japon. Les explications, et le sens de nos actions, vont venir pendant la pratique, et non les précéder.

Cette méthode peut être assez déstabilisante pour un occidental, mais pour peu qu’on s’y plie totalement, elle se révèle être d’une redoutable efficacité. Si on ne vous donne pas la finalité d’une action, et que les détails de sa réalisation ne vous sont délivrés qu’au compte goutte, vous êtes obligés d’être extrêmement attentif au moindre geste, à la moindre indication. Pas le temps d’être distrait, vous pourriez manquer quelque chose d’essentiel.

p1000235

On commence par observer…

p1000249

…avant d’effectuer le travail de sélection des aiguilles.

   A première vue, cela peut apparaitre un peu rigide, car il semble qu’il n’y ait souvent qu’une seule façon de réaliser un geste technique donné. En fait, tous ces gestes ont été testés maintes fois pour arriver à une efficacité, et une économie de moyens impressionnants. Vous vous retrouvez au bout de la chaine de réflexion à appliquer un geste qui a été optimisé au maximum. Dans ces conditions, pourquoi faire autrement ? C’est ce qu’on vous explique si vous appliquez mal une consigne.  Et en réalité, le maitre garde toujours un esprit libre et ouvert, ce qui lui permet d’améliorer régulièrement ses techniques.

   Au final, le fruit de votre attention, et de votre travail, va être récompensé par la compréhension complète de l’action qui vient d’être réalisée. Tout (ou presque!) devient évident et clair. Ainsi, votre implication dans l’exercice vous aura permis d’intégrer avec beaucoup d’efficacité les tenants et les aboutissants de l’opération. Pas besoin de justifier par un long discours pourquoi telle ou telle chose a été faite d’une façon ou d’une autre. Vous l’avez expérimenté par vous même.

p1010594

Carlos suit les modifications apportées à l’arbre qu’il vient de mettre en forme.

   Après quelques semaines passées dans cet univers extrêmement codifié et réglé, j’ai commencé à entendre des invitations à être plus libre et créatif. Difficile quand on a tenté de coller au plus près des gestes observés pendant des jours durant, mais ce conseil révèle un point important sur l’état d’esprit à adopter pour aborder la création de nos bonsai.

   D’ailleurs, on constate cela quand on regarde les arbres et les présentations faites dans les plus grandes expositions japonaises. Certains bonsai sortent parfois des règles fixées par la tradition pour aller vers plus d’originalité, ou pour exprimer une caractéristique qui leur est propre.

p1000751

Travail à quatre mains sur un pin blanc.

   En effet, il ne faut pas oublier qu’on est face à un «objet» qui a une logique de vie (ou de survie, pour un yamadori ) propre, et qui ne va pas forcément pouvoir répondre à tous  les canons esthétiques japonais. Depuis quelques années, de nombreux artistes à travers le monde ont bien compris cela. A notre tour, «les amateurs», d’entrer dans cette vision fertile du bonsai, tout en prenant garde à l’écueil qui consisterait à mettre les règles complètement de côté en cherchant à «créer des bonsai plus libres».

   J’ai la conviction que si l’on veut atteindre un niveau intéressant, il faut avoir appris les règles japonaises avant de pouvoir commencer à s’en affranchir, et trouver un espace de liberté plus personnel. C’est comme pour un musicien de jazz qui veut improviser: il ne pourra rien construire de solide et de convaincant, s’il n’a pas commencé par apprendre les règles, et à écouter et copier les «anciens». On peut retrouver cela aussi en peinture: c’est une clé commune à tous les arts.

p1030248